Mary & Max, e-motion

Nous avons eu la chance de voir en avant-première le film d’animation Mary & Max, premier long métrage de l’australien Adam Elliot, distribué par Gaumont qui pour l’occasion a fait les choses en grand puisqu’à la suite de la projection nous avons rencontré le déjà oscarisé scénariste, réalisateur, chef décorateur, dessinateur et que sais-je encore histoire 2 mieux comprendre ce film en stop-motion pas comme les autres.

Mais d’abord, découvrez donc la bande annonce :

Ces quelques extraits de ce film en pâte à modeler m’ont suffi à me donner envie de le voir en entier, notamment pour l’humour bizarre qui s’en dégage et cette vision douce-amère du monde.
Vous pouvez donc vous lancer dès le 30 septembre 2009 dans les salles obscures sans en savoir plus pour avoir le plaisir d’une découverte naïve, ou lire les quelques lignes suivante qui décryptent un peu l’univers d’Adam et de Mary & Max.

Le pitch

Au cas où la bande annonce ne vous suffirait pas, Mary & Max raconte l’histoire d’une relation épistolaire de 2 correspondants très différents, l’un étant une petite fille australienne dotée d’un entourage peu réconfortant, l’autre un New-Yorkais de 44 ans obèse et atteint du syndrome d’Asperger.
Rassemblés par leur solitude, le scénario montre l’évolution des personnages et de cette relation sur plusieurs années, en abordant pas mal de sujets peu tendres de la vie.

Le ressenti post-projection

Je suis une casse-pied, j’ai du mal à détacher mon ressenti visuel du reste. Si tout est terriblement bien fait, la qualité des photos superbes (parce que oui n’oublions pas que tout ça est une succession de photos de personnages et décors animés avec une patience extrême), je n’ai pas accroché avec le style graphique de Mr Elliot.
Vous me direz que j’aurais pu le savoir dès la bande annonce, mais bizarrement non… c’est sur la durée que ces environnements ont fini par chahuter ma sensibilité esthétique, plus encline aux jolies choses et il est certain que ce film n’est pas là pour faire du juste « joli ». Une histoire de goût donc, propre à moi, et de dégoût quand les personnages bavent ou autre.
Côté humour, le gras a aussi été trop présent pour la petite chochotte qui est en moi (mais il n’y a pas que ça et ce mélange d’humour tendre et sombre qui m’avait attiré dans la bande annonce est distillé aussi tout au long du film).

Si l’on rajoute à cela que cette histoire ne m’a pas particulièrement touché, on se dit que je ne vais pas conseiller ce film, et pourtant c’est tout le contraire. Oui Mary & Max ne répond pas à ce que j’aime voir – ayant tendance à chercher un cinéma distrayant et au final loin de la vraie vie – mais il n’en est pas moins d’une très grande qualité.
En effet, ce film qu’on pourrait croire pour enfant ne l’est à mon sens absolument pas. Mettant en scène des personnages ordinaires face à la solitude, la tourmente, la maladie, la marginalité, la mélancolie,… avec très grande délicatesse, Elliot ouvre des portes, suggère, souligne mais ne mâche pas tout le travail. Le spectateur ainsi nourri de différentes émotions complète tout naturellement avec sa propre expérience ces histoires universelles. L’ambiance certes très sombre est éclairée par moment, comme peut être la vie.

L’aspect narratif majoritairement présent donne un aspect très particulier à cette œuvre, et bien qu’offrant un rythme assez lent, un dynamisme se dégage clairement. Ceci est probablement dû à la foultitude de détails, aussi bien visuels, descriptifs, sonores et aussi aux mouvements de caméras plus que travaillés.
La couleur, très mesurée et limitée, participe aussi à l’originalité de l’animation. Chaque personnage, chaque ville en réalité, a son environnement colorimétrique, assez terne, ponctué par des touches plus vives liées à des objets symboliques. Et chacun sait que j’aime la symbolique!

Cette œuvre a le mérite d’aborder des sujets déjà rarement évoqués au cinéma et encore moins dans l’animation, et de le faire avec une grande subtilité et maîtrise de la technique pour offrir un résultat qu’on pourrait qualifier de parfait tant il est peaufiné.
Un film d’animation qui remue à voir au moins pour sa singularité et sa qualité.

Adam Elliot, le chef d’orchestre, peaufine
Mary & Max - Adam Elliot

Les secrets du film

Pas réellement emballée par l’œuvre animée malgré toutes les qualités que je lui reconnaissais, l’éclairage apportée par l’échange entre la salle (remplie de blogueurs) et l’âme de ce film me l’a rendue plus appréciable.

Le « inspiré d’une histoire vraie » du début du film tout d’abord… Figurez-vous que Mary & Max est une sorte d’auto-biographie. Enfin c’est très inspiré de la vraie vie d’Adam Elliot qui échange effectivement depuis des années des lettres avec un New-Yorkais juif, obèse et atteint du syndrome d’Asperger.
A écouter parler Elliot on comprend alors toute la dimension très personnelle, thérapeutique même, de ce film, et notamment qu’effectivement il y a mis son âme presque toute entière.

Et puis on ressent la passion du Monsieur, et son perfectionnisme aussi. Il a tout fait pour réaliser exactement ce qu’il avait en tête (dégotter des acteurs a priori impossibles à avoir après plus d’1 an de forcing par exemple). Ce film c’est un peu lui et ça le (son film) rapproche de nous. Le garçon a l’air lunaire, spécial, ça donne envie de le connaître et de décortiquer ses œuvres en juxtaposant sa personnalité et ses réalisations.
J’aime par contre moins son insistance sur « ce n’est pas un Pixar ou un Disney », « on ne voulait pas faire comme Pixar », « ça aurait été une fin trop Disney ». J’espère que ce n’est pas l’envie d’être différent qui lui fait faire telle ou telle chose mais que cette différence est naturelle. Et oui Mary & Max est très éloigné d’un Disney, mais le genre n’est pas à bannir et à exécrer, merci.

Et sinon, Mary & Max ça a été près de 5ans de boulot pour 92mn de film, soit 132 480 images tournées au moyen de 6 caméras photo-numériques haute résolution. Aucun trucage numérique.
57 semaines, 50 personnes, 6 animateurs créant en moyenne 4 secondes par jour, 212 marionnettes, 133 décors, 475 accessoires miniatures (la machine à écrire fonctionne pour de vrai!), 1026 bouches de rechange pour permettre l’expressivité des personnages, 886 mains, 394 pupilles, 147 costumes, 38 globes lumineux, 808 boites de thé,…
bah bravo! (moi j’aurais pas pu :p)

Mary & Max
un film créé, écrit et réalisé par Adam Elliot,
produit par Melanie Coombs,
avec les voix de Toni Colette, Philip Seymour Hoffman, Barry Humphries, Eric Bana
en salle le 30 Septembre 2009